DE P OL IP HILE.
Voyant donc que la veneneufe & deteftable fumee de ce Dragon s'eftendoit
bien prés de moy, ie me iettay à l'aduanture dedans ces tenebres efpoilfes, tenant
ma vie comme perdue, & n'ayant plus de recours qu'aux prieres ie m'enfuy à l'ad-
uanture,& perdis toute clarté entrant comme ie penfois dans le Labyrinthe de De-
dalus l'ingenieux: tant ie trouuois de chemins tortus, fentiers, ruelles, carrefours,
portes & trauerfes, pour faillir & oublier l'yflue, puis toufiours reuenir à l'erreur
premiere,& s'efgarer en plus profonde obfcurité
I'auois crainte d'eftre arriué en la roche creufe de Polypheme le cruel Cyclope,
ou en la Cauerne du malicieux larron Cacus : parquoy ie iettay incontinent mes
bras au deuant de mes yeux, pour doute de pilliers qui fouftenoient la Pyramide:
& allois à taftons,me retournant fouuentesfois pour regarder en derriere,& fçauoir
fi ie verrois encores le lieu par où i'eftois entré, mefmes fi le Dragon deuorant ve-
noit point apres moy.Mais ie trouuayque la lumiere m'eftoit du tout faillie.Et pour
accroiftre ma grand' peur, ces caues obfcures eftoient plaines de Chauuefouris
qui vollettoient autour de mes oreilles:dont effrayé, ie penfois de tout ce que i'en-
tendois, fentois, ou touchois, que ce fuft le Dragon cruel. Et combien que mes
yeux fe trouuaflent aucunement accouftumez à ces tenebres, toutesfois ie ne pou-
uois rien veoir: parquoy il failloit que mes bras feillent l'office de mes yeux, ainfi
qu'au Lymaçon qui va taftant le chemin auccfes corucs, & s'il trouue empefche-
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